C’est vrai, je n’ai jamais cru que la modification du comportement ou que l’apprentissage d’une théorie pouvait donner un nouvel aperçu du comportement humain. Tant qu’on me payait pour enseigner, j’adhérais à la théorie selon laquelle seules les récompenses et les punitions modifient le comportement de l’individu. mais à part cela, les travaux de Skinner et de ses disciples sur ce thème me laissaient plutôt indifférente. J’ai entrepris le métier de psychologue parce que je pensais que c’était un moyen sûr d’approcher les gens et d’apprendre comment fonctionne l’esprit humain. J’ai trouvé par la suite que la recherche psychologique ne m’avait pas appris autant sur les pensées et les réactions humaines que mon travail de psychothérapeute avec mes patients. C’est pourquoi j’ai laissé la recherche à ceux qui aiment vaquer en blouse blanche, élaborant des théories dont l’intérêt me semblait de moins en moins évident. Les sujets de ces recherches étaient surtout des rats blancs et des étudiants de deuxième année de faculté, ces deux groupes étant les plus disponibles. Quant à moi, je ne souhaitais plus rien apprendre sur les rats et les étudiants de deuxième année .En commençant à travailler en psychothérapie avec mes patients, je fus de plus en plus étonnée par les extraordinaires moyens aveclesquels l’être humain réagit face à ses problèmes. Je commençais cette activité avec, en tête, le schéma “ docteur-patient ” ; je réalisais vite qu’il ne s’agissait là que de conventions sociales et que la relation qui s’instaurait dans la salle de consultation avec quelqu’un qui venait me voir dans l’espoir de résoudre un problème, était tout autre. En vingt ans d’exercice de la psychothérapie, je n’ai jamais trouvé deux êtres semblables. Et je n’ai jamais trouvé une explication applicable à plus d’un cas. J’étais fascinée par l’extraordinaire singularité de chacun et par la complexité des moyens mis en œuvre pour faire face à un certain environnement. Je le suis toujours, et de plus en plus. Les théories psychologiques me semblaient de plus en plus superficielles . Je voulais aller plus loin et explorer cet aspect de la personnalité qui pour moi, à son importance, à savoir la dimension spirituelle de l’homme. Mon intérêt n’était pas uniquement professionnel : moi aussi je suis un être humain et je vis depuis cinquante-trois ans dans ce xxe siècle tumultueux. J’ai partagé avec mes concitoyens tous les courants propres à notre époque : les sables mouvants des alignements internationaux, les caprices de la culture américaine, les tentatives d’adaptation à une société dont la technologie est en pleine évolution. La vie continuait pour moi aussi, pas seulement pour “ mes patients ”. Et, au fur et à mesure que, témoin et acteur de ce siècle, je suivais les courants de notre culture, certaines questions se posaient à moi avec insistance : POURQUOI SOMMES-NOUS ICI ? Pourquoi toutes ces émotions, ces luttes, et ces angoisses ?
Je me souviens d’un jour où ma mère, alors âgée de quatre-vingts ans, sortit de son brouillard pour me demander, les yeux brillants de terreur : “ Je vais mourir, n’est-ce pas ? Aide-moi ! ” Comme les lecteurs de cet ouvrage, j’ai dû faire face au temps qui passe et à la mort des êtres chers. Il me semblait que ma mère s’était ouverte comme une fleur dans son enfance et que maintenant qu’elle avait quatre-vingts ans et était prête à quitter cette vie, son esprit se refermait doucement comme une fleur à la fin de la journée. Son esprit vagabondait, et elle confondait ses arrière-petits-enfants avec ses compagnons de classe. La boucle de sa vie se refermait : elle revivait ses premières expériences. Mais à travers ce nuage de souvenirs qui la menait doucement vers la mort et plus loin encore ,à un moment…………………………………………………………………….
précis, son esprit redevint lucide et elle fut terrifiée. Elle savait qu’elle allait mourir et elle avait peur.
Sa vie avait été douce, dans le cocon de la petit bourgeoisie américaine. Elevée dans la religion méthodiste, elle avait accepté, sans jamais se poser de question, la doctrine selon laquelle on doit toujours être gentil avec autrui, aller à l’église chaque dimanche et croire en l’autorité des ministres du culte et en leur connaissance des Ecritures. Mais lorsque, à travers son nuage, elle prit subitement conscience de sa mort, tout cela ne lui suffit plus. Qu’est-ce qui l’attendait après la mort ? Je ne pouvais pas grand-chose pour la rassurer .Elle me demanda de lui lire la Bible ; je le fis, en choisissant les passages qui insistent sur l’immortalité de l’âme, mais je ne suis pas certaine qu’elle m’entendait. Sa main osseuse s ‘agrippait à moi ; ses yeux s’embuèrent de nouveau, et elle retourna à ses pensées nébuleuses. Quatre semaines plus tard elle était dans le coma et quitta officiellement cette vie trois jours après avoir prononcé ses dernières paroles. Elle était doucement partie vers ce qu’elle craignait être la mort de l’âme.
Mais qu’est-ce que la mort ? Et puisque nous devons mourir, alors pourquoi venons-nous au monde ? Il est très présomptueux de ma part de tenter de répondre à des questions auxquelles les philosophes n’ont pas encore apporté de réponse depuis que le monde existe. Mais d’autres questions me venaient à l’esprit et elles allaient orienter mes recherches : le monde de ma mère était un monde de sécurité et d’ordre. Née en 1894, elle avait vécu les inventions technologiques de son temps comme un indéniable progrès. Elle ne s’étonnait pas plus de l’automobile, de la radio, de la télévision, de l’avion, que des certitudes tranquilles de son enfance protestante, bercée par le pas des chevaux. Pour elle, le progrès était synonyme de lumières et le monde allait devenir plus riche et meilleur. Elle à vécu le Rêve Américain sans jamais se poser de questions.
Moi, j’étais d’une autre génération. Née en 1925, je me souviens des frayeurs que la Grande Dépression fit apparaître sur les visages des hommes dans la rue. Bien qu’élevée dans le confort, je vivais dans le Midwest, là où la grise réalité de l’industrialisation avait grignoté les paysages de verdure. Dans ma jeunesse, je sentais que la technologie apporterait la laideur, la division entre les hommes, et des changements profonds dans notre perception du monde. En nous éloignant de la terre et en nous efforçant de conquérir toujours plus, nous avons acquis le pouvoir divin de voler dans le ciel, de répandre la pluie ou la mort grâce à nos armes, et à nos bombes. Nous sommes devenus des dieux de tonnerre et de miracles, qui peuvent déplacer les montagnes, avec leurs bulldozers. Mais en bougeant ces montagnes, nous avons mis à nu des filons que nous n’avons pas exploités. Et en faisant pleuvoir les armes du ciel comme les anciens dieux des volcans, nous avons laissé derrière nous, avec notre innocence, des monceaux de cadavres. La seconde Guerre mondiale nous a montré que ce n’est pas seulement contre la guerre qu’il faut lutter mais aussi contre quelque chose dans le cœur de l’homme qui lui permet de détruire sauvagement et à une grande échelle, ceux de ses semblables qui lui ont déplu. Dans le monde du simple fermier ou de l’homme de la tribu, la doctrine du talion venait des animaux et de leurs luttes pour étendre leurs pouvoirs territoriaux et parvenir à se nourrir. Mais lorsque nous, humains, sommes devenus des dieux et avons discipliné le pouvoir de l’atome dans une bombe, la loi tribale nous est devenue insupportable.
Qui a vécu le xxe siècle jusqu’en 1978 sait bien que l’homme a découvert quelque chose de nouveau lorsqu’il s’est échappé des frontières de ses villages et n’a plus été limité dans ses voyages. Les dieux ancestraux, et la compréhension d’un univers fondée sur l’idée simpliste d’un groupe qui détiendrait plus de vérité qu’un autre, sont des luxes que nous ne pouvons plus nous offrir maintenant que nous sommes devenus des dieux. Nous devons aujourd’hui trouver notre place dans l’univers et la vraie nature de notre être. Car, à moins de nous dépasser, à moins d’atteindre cette partie de notre conscience qui dépasse les simples limites humaines, nous devons, soit retourner au monde primitif en détruisant notre monde technologique, soit achever notre histoire en tant qu’espèce en rendant notre monde inhabitable.
Ce besoin de comprendre davantage est très répandu dans notre culture. Certains tentent de revenir aux croyances des tribus anciennes, acceptant aveuglément des doctrines établies il y a des milliers d’années. Ils espèrent qu’en revenant à une innocence antérieure et à une dépendance des mystères d’un dieu que nous ne pouvons connaître, nous pourrons nous sauver des conséquences de nos propres actes. Certains ont compris qu’il n’y avait pas de retour en arrière possible. Nous sommes devenus des êtres raisonneurs qui utilisent leur cerveau pour comprendre l’univers physique, et quand il a été compris, pour le changer. Nous sommes devenus des dieux qui peuvent faire des miracles sur terre. Mais maintenant, nous devons devenir des dieux capables de comprendre profondément qui nous sommes, d’où nous venons et quel est notre but.
Voilà pourquoi j’ai entrepris cette recherche originale. Je ne connaissais pas les réponses, bien que je devenais de plus en plus attentive, comme beaucoup d’entre nous, aux mondes de la conscience en dehors de notre perception physique. En tant que psychologue, je sais que certaines profondeurs de l’esprit sont inconnues à beaucoup d’entre nous . Et c’est cette partie-là de l’esprit humain que je voulais atteindre, pour savoir ce qui s’y trouvait qui n’était pas encore reconnu ni exprimé. Je savais que l’hypnose permettait de pénétrer dans l’inconscient, ou dans des parties de notre conscient normalement fermées à notre perception. Quelles réponses allais-je trouver là ?
C’est ainsi que j’ai commencé mon exploration.
.Comment j’ai mené cette recherche :
La neige recouvrait le sol autour de l’hôtel de Chicago. Dans la salle de conférence, tous rideaux tirés, cinquante-quatre personnes étaient allongées sur des couvertures posées à même le sol. Le blizzard qui avait envahi la ville en janvier 1978 avait retardé nos séances d’hypnose ; mais finalement, chacun était là, prêt à chercher dans son subconscient les raisons de sa naissance.
Les lumières baissaient et la pièce était maintenant plongée dans l’obscurité ; je n’entendais plus que le bruit de la chaufferie voisine. Mes cinquante-quatre sujets avaient déjà expérimenté, sous hypnose, deux voyages dans des vies antérieures, au cours des trois dernières heures ; je savais donc que 90% d’entre eux répondaient à mes inductions hypnotiques et se souvenaient de vies passées. Je m’assis dans un fauteuil en regardant cette marée de corps et cette étrange expérience m’étonna encore. Des gens qui n’avaient jamais été hypnotisés auparavant , des gens dont certains avaient parcouru jusqu’à quatre cents kilomètres pour venir ici, étaient maintenant étendus en silence, et attendaient que ma voix les guide vers le plus fabuleux des voyages, celui des origines de leur personnalité.
Je commençais l’induction pour le << voyage vers la naissance>> comme je l’avais fait déjà quatre cents fois. Les mots me venaient à l’esprit comme le déroulement d’une bande magnétique et j’avais appris à laisser vagabonder mon esprit indépendamment de ce que je disais. J’entendais alors ma voix comme si elle venait de loin. Je savais que mes perceptions étaient altérées pendant que je conduisais ces séances .
<<Vos yeux sont fermés et cela vous semble bon d’avoir les yeux fermés. Les muscles de votre visage se relâchent. Vous relaxez maintenant les muscles de votre mâchoire et ainsi votre langue se détendra au fond de votre bouche.>> En disant cela, je me demandais, encore une fois, comment il se faisait que, lorsque les muscles de leur mâchoire étaient relâchés , la pensée de mes sujets était alors uniquement centrée sur ma voix. Avec les muscles des mâchoires, c’était le centre de la parole qui se mettait en sommeil. Apparemment, les sujets passaient du centre cérébral de la parole- le lobe temporal gauche du cerveau- à d’autres centres, situés du côté droit de leur cerveau, d’où semblent provenir les rêves, la création artistique, la perspicacité scientifique :
<<La relaxation descend maintenant des muscles de votre mâchoire aux muscles de votre cou, puis à vos épaules, à vos bras, vos coudes, à vos poignets, à vos mains et à vos doigts. Vous êtes profondément et paisiblement relaxé.>> Mes bras se détendaient sur les bras du siège tandis que je continuais à donner mes instructions : <<Vous relaxez maintenant votre torse et votre taille, et votre respiration est régulière. >> Je me sentis moi aussi relaxée, et ma respiration changea. Le ton de ma voix était plus bas et son débit plus lent. Son rythme correspondait à celui de la respiration que je suggérais à mes sujets.
<< La relaxation s’étend maintenant de votre taille à vos hanches, à vos cuisses, à vos jambes et à vos chevilles, à vos pieds et à vos orteils. Je vais compter jusqu’à dix, vous allez vous détendre de plus en plus…>>
A ce stade précis de l’induction hypnotique, j’adresse en général des pensées de réconfort à tous mes sujets. Je ne me sens pas bien si je ne leur adresse pas ces pensées tandis que je les fais s’enfoncer plus avant dans leurs souvenirs. C’est à ce stade que je peux sentir si quelqu’un dans la pièce à des difficultés. Je ne pourrais pas dire exactement quoi, car je ne suis jamais sûre d’avoir une communication télépathique avec les autres . Comme la plupart d’entre nous, j’ai besoin de preuves objectives avant de pouvoir accepter la télépathie comme un fait. Mais lorsque je sens que quelqu’un est angoissé, dans un coin de la pièce, je lui envoie une pensée, l’assurant que tout ira bien et que chacun doit me faire confiance. Ma voix continuait à débiter d’un ton monocorde :
<<Un… de plus en plus profondément. Deux… de plus en plus relaxé. Trois…Quatre… Cinq… Six… Sept… Huit… Neuf… Dix.>>
Au cas où quelqu’un se trouverait en difficulté, j’ajoutais : << Vous allez être très bien. Tous vos muscles sont relâchés. Tout votre corps est maintenant détendu mais votre esprit est plus alerte qu’à l’ordinaire et les souvenirs vous viennent facilement. Je veux que vous alliez chercher dans votre mémoire une photo de vous entre les âges de treize et dix-huit ans. Concentrez-vous uniquement sur cette image. Regardez bien ce que vous portez sur cette photo. Vous êtes maintenant de nouveau à cette époque. Vous portez ces mêmes vêtements……………………………………………………………………..
que vous avez vus. Est-ce ce que vous les aimez ? Que ressentez-vous dans votre corps ?>>
En prononçant ces mots, un cliché traversa mon esprit. Je me revis comme j’étais il y a quarante ans , habillée d’un ensemble de coton rayé. Je revoyais mon corps jeune, et maintenant que ce souvenir revivait en moi, je sentais ces vêtements sur mon corps. J’entendis ma voix poursuivre : << Quelles chaussures portez-vous avec ces vêtements ? >> Dans ma tête, je revis une paires de chaussures anglaises usagées mais confortables. Je souris en pensant à toutes les paires de chaussures évoquées par les sujets à ce moment précis. Je me posai des questions à propos de tous ces vêtements qui avaient été oubliés et revenaient maintenant en mémoire. Ils étaient quelque part dans le passé, se matérialisant mystérieusement quand nous voulions les remettre. J’eus le temps de me souvenir du compte rendu d’une des premières expériences, écrit par une de mes patientes plusieurs semaines auparavant, et où elle avait noté :<< Je ne pouvais voir que mon visage sur cette photo, mais soudain, je me suis retrouvée avec les vêtements que je portais lorsqu’elle a été prise. Décidément, je ne comprends rien au phénomène du souvenir sous hypnose, mais c’est passionnant !>>
<< Maintenant, remontez dans le temps et revoyez une photo de vous prise entre les âges de six et douze ans. Où étiez-vous lorsque cette photo a été faite ? Souvenez-vous des moindres détails de l’endroit où ce cliché a été pris.>> Comme ma voix prononçait ces mots, je me revis dans le jardin de ma grand-mère, dans l’Iowa. Je revis le vieux garage et le jardin où la photo avait été prise. Combien d’autres jardins, combien de maisons revenaient en ce moment en mémoire aux cinquante-quatre autres personnes présentes avec moi dans cette pièce ?
<<Vous êtes maintenant en classe de huitième. Vous êtes assis à votre place dans cette classe. Où sont les fenêtres, à votre gauche ou a votre droite ? Le maître, ou la maîtresse, est devant vous. Vous voulez lui demander quelque chose et vous vous souvenez de son nom.>> Ma maîtresse s’appelait Miss Forsberg ; je n’avais pas pensé à elle depuis au moins trente-cinq ans. Les autres se souvenaient-ils aussi ?<< Maintenant vous remontez encore dans votre mémoire. Trouvez une photo de vous prise entre un et cinq ans.
Regardez dans les yeux de cet enfant qui est vous. Vous souvenez-vous d’avoir eu un aussi petit corps ? Vous avez maintenant trois ans. Vous êtes dans une baignoire. Baissez les yeux et regardez vos cuisses, vos genoux, vos jambes, vos chevilles, vos pieds, vos orteils. Quel effet cela fait-il d’être dans un aussi petit corps. Vous avez trois ans.>>
Beaucoup de mes sujets m’ont dit revivre là la partie la plus plaisante de l’expérience, car ils se retrouvaient en train de batifoler dans l’eau. Quant à moi, j’avais à ce moment-là une formidable sensation de légèreté et d’agilité. C’était comme si je retrouvais un métabolisme plus vivace que celui de mon âge mûr.
<< Maintenant, vous voyez trois photos en même temps. Vous, jeune enfant, enfant, adolescent. Qu’est-ce qui n’a pas changé dans tout cela ? Votre corps a changé, vos vêtements ont changé. Qu’est-ce qui, dans tout cela, est resté vous ? Tous ces stades de votre enfance ne sont-ils pas quelque part dans votre mémoire ?>> En même temps, je pensais avec étonnement combien l’enfant que nous avons été, est toujours là quelque part. Mais où ? Quel est le siège de la perception d’être soi qui demeure, malgré tous les changements physiques ? Ma voix poursuivit :
<< Je veux que vous réalisiez que chacune de ces trois photos ne représente qu’environ un vingtième de seconde de votre vie. Au –delà de cette photo de vous enfant, je veux que vous imaginiez toute une série de photos prises de tous les autres vingtièmes de seconde de votre vie de la naissance à l’âge de cinq ans. Essayez d’étendre maintenant cette série de photos à l’infini . Et derrière ce cliché de vous, enfant, mettez encore une série de photos avec tous les vingtièmes de seconde que vous avez connus en grandissant. Derrière la photo de vous, adolescent, existe toute la série des vingtièmes de seconde que vous avez vécue à cette époque. Si toutes les transformations que votre corps a connues au cours de votre maturation sexuelle étaient filmées, si toutes les modifications de vos sentiments à l’égard de vous-même, vos ambitions, vos rêves avaient été enregistrés par une caméra, ils s’étendraient aussi à l’infini. Regardez encore toutes ces photos de vous représentent votre passé jusqu’à l’âge de dix-huit ans. De quels moments vous souvenez-vous ? Presque tout est enfoui dans votre mémoire consciente. Le passé que vous croyez vous rappeler est une histoire que vous a raconté votre moi conscient ; il s’en souvient par bribes et les a assemblées en un
récit qu’il appelle “ mon passé ”. Reconnaissez maintenant que le passé que vous croyez vous rappeler est fragmentaire et limité. Pour chaque moment dans le passé où vous pensez avoir hai¨quelqu’un, vous en trouvez aussitôt un autre où vous avez aimé cette personne. Pour chaque moment de votre passé où vous avez éprouvé de la culpabilité et de la honte, vous pouvez penser à un moment de triomphe et d’autosatisfaction. Perdus quelque part dans ces photos des années passées, se trouvent des potentiels que vous n’avez jamais développés , des sentiments que vous avez depuis longtemps oubliés, des choix que vous n’avez jamais concrétisés. Reconnaissez qu’en ce moment, votre passé semble aussi mouvant que votre avenir. Vous avez le choix de vous souvenir d’instants de votre vie passée depuis longtemps oubliés, et vous avez le choix de réaliser ce potentiel dans l’avenir que vous vous choisirez. C’est ce qu’on appelle : “ le libre choix ”. Tout en prononçant ces mots, j’essayais de me souvenir à quel moment, dans les instructions hypnotiques, j’avais décidé d’inclure ce travail. Cela m’était venu à l’esprit peu de temps après avoir fait revenir des personnes jusqu’à l’expérience de leur naissance. Apparemment, l’idée de faire revoir aux gens des photos de leur passé venait de la partie droite de mon cerveau, alors que j’étais moi-même en relaxation profonde, les aidant à comprendre l’étendue de leurs choix et de leurs possibilités. J’avais appris à ne plus me poser de questions concernant cette sorte de spontanéité créatrice qui était la mienne. Comme mes sujets, j’avais appris à entrer en contact avec cette partie de mon cerveau, lui laissant parfois la liberté de développer de nouvelles idées et de nouvelles approches. Cependant, je m’étais rendu compte que je connaissais peu de choses de mon passé, ni même des potentiels qui existaient dans mon enfance et dans mon adolescence ; je les avais oubliés et laissés de côté en choisissant une carrière. Et si c’était vrai pour moi, ce devait l ‘être aussi pour ceux qui venaient à cette séance d’hypnose.
“ Maintenant, votre corps est très lourd sur le plancher, profondément détendu. Votre corps est si lourd que vous avez l’impression qu’il s’enfonce lentement dans le sol. Votre esprit est libre et léger, il flotte, alerte, il est très détendu. Imaginez maintenant que vous êtes un minuscule point conscient qui s’échappe de votre corps et qui erre près du plafond. Vous voyez une lueur diffuse et vous regardez en bas depuis un coin du plafond. Vous me voyez assise sur ce siège.
Mes jambes sont croisées et mes bras sont posés sur les bras du fauteuil. Maintenant, regardez si vous pouvez voir vos corps sur le sol. Voyez-vous les autres autour de vous ? ”
Ces instructions m’avaient été inspirées par certains de mes rêves mais surtout par des expériences de dématérialisation relatées par beaucoup de sujets. Ils en parlaient comme d’un moment agréable, aussi considérais-je que c’était une bonne introduction avant de s’aventurer vers des stades plus profonds. Je continuais donc cette partie du voyage :
“ Maintenant vous flottez, aussi immatériels que la fumée, à travers le toit de cet immeuble jusqu’au ciel. Les étoiles brillent, vous voyer la lune et, en dessous de vous, la ville est couverte de neige. Vous flottez de plus en plus haut, jusqu’au ténèbres de l’espace. Vous vous sentez merveilleusement libres et légers tandis que vous prenez votre essor. ” L’expérience m’avait appris qu’à ce stade, certains de mes sujets allaient sombrer dans ce que nous appelons le sommeil ; je pensais néanmoins qu’il était très important de les amener au plus profond possible de l’hypnose avant de leur poser des questions sur leur naissance. Certains sujets ne pouvaient me donner des réponses qu’à ce stade avancé d’hypnose, aussi entamais-je une autre phase du programme d’induction :
“ Votre esprit conscient ne va pas comprendre ce que je vais dire. Je m’adresse à votre subconscient. Je vous demande de réduire les potentiels électriques des ondes de votre cerveau à cinq cycles par seconde. L’amplitude de vos ondes cérébrales va être de cinq cycles par seconde. A ce rythme d’ondes lentes, vous allez pouvoir atteindre les parties les plus enfouies de vous-même, d’où viendront les réponses à mes questions. Je vais compter jusqu’à cinq, votre rythme d’activité cérébrale va se ralentir à cinq cycles par seconde. Un, de plus en plus profond. Deux, de plus en plus détendu. Trois. Quatre. Cinq… ” C’est à la suite de certaines données recueillies par des amis que j’ai choisi de faire réduire l’amplitude cérébrale à cinq cycles par seconde. Lorsque leurs sujets étaient branchés sur des machines qui enregistraient de zéro à quatre cycles par seconde, ceux-ci ne se souvenaient pas, a leur réveil, de ce qu’ils avaient dit. Ils étaient “endormis ”. Mais quand on les interrogeait sur cet état profond, ils donnaient le plus souvent des comptes rendus à tendance mystique.
Il semblait qu’on pouvait, dans cet état, avoir accès à des choses normalement fermées au monde conscient. Qui d’entre nous ne s’est pas réveillé la nuit avec la conscience précise de quelque chose, pour se rendormir aussitôt et oublier ? Je voulais que mes sujets soient suffisamment éveillés pour se souvenir de leurs réponses ; j’ai donc choisi cinq cycles par seconde comme stade idéal pour recueillir des informations sur ce qui précède la naissance. J’espère pouvoir, un jour, enregistrer à l’électro-encéphalogramme, un sujet dans cet état particulier. Ces instructions ont pour résultat apparent de provoquer une transe hypnotique plus profonde et de faciliter ainsi les réponses de mes sujets sur leur naissance ;
“ Je vous demande maintenant de remonter jusqu’au moment qui précède votre naissance dans cette vie. Choisissez-vous de naître ? ” Je donnais cinq secondes à mes sujets pour répondre à cette question. L’expérience m’a montré que plus je leur laissais de temps pour répondre, plus le moi conscient revenait au premier plan. Lorsque les réponses sont spontanées, elles semblent venir de la partie droite du cerveau, c’est-à-dire du subconscient. Lorsqu’elles tardent à venir, le moi conscient à tendance à spéculer sur la bonne réponse et à essayer de rationaliser. Comme j’étais à la recherche de matériel inconscient, je ne leur laissais que peu de temps.
“ Quelqu’un vous aide-t-il à choisir de naître ? Si oui, quelle relation avez-vous avec lui ? ” J’ai posé cette question parce que, lors d’une première expérience de ce type, j’avais été surprise de constater que chacun des sujets ne prenait pas seul la décision de naître, et j’étais curieuse de savoir comment ils identifierait ces “ témoins ”.
“ Que ressentez-vous à l’idée de vivre cette vie qui vous attend ? ”J’avais soigneusement choisi cette question. Si je leur demandais ce qu’ils ressentaient à l’idée de naître, j’allais avoir des réponses relatives à la peur physique de l’expérience de la naissance. J’ai donc précisé la question d’une manière telle que la réponse soit plus en rapport avec la vie à venir qu’avec la naissance elle-même :
“ Pour quelle raison choisissez-vous la seconde moitié du xxe siècle pour une nouvelle vie physique ? Avez-vous choisi de vivre cette vie comme homme ou comme femme ? Quel est votre but en voulant revivre ? ” Je savais par expérience, que c’était là la question à laquelle tous souhaitaient répondre sous hypnose.
Ils voulaient connaître la raison de leur existence ; cette quête était à l’origine d’un si grand nombre de lecteurs, de leurs études et de leurs expériences que la réponse n’était plus que dans l’inconscient. Allaient-ils la trouver ce soir ? Je savais à travers ma propre expérience de l’hypnose, que c’est la question la plus difficile de toutes.
“ Maintenant, vous allez vous concentrer sur votre future mère. L’avez-vous connue dans une vie antérieure ? Si oui, quelles étaient vos relations ?
“ Concentrez-vous maintenant sur votre futur père. L’avez-vous connu dans une vie antérieure ? Si oui quelles étaient vos relations ?
“ Savez-vous quelque chose maintenant, avant votre naissance, des gens que vous allez connaître dans la vie qui vous attend ? Les avez-vous connus dans des vies antérieures ? Savez-vous quels rôles ils vont jouer ? Allez-vous les connaître comme amants ou époux ? Allez-vous les connaître comme enfants ou comme parents ? Allez-vous les connaître comme amis ? ”
A ce stade de l’hypnose, je laissais plus de temps entre les questions qu’auparavant. Beaucoup répondaient très rapidement, mais d’une façon un peu superficielle. Aussi accordais-je environ une minute entre chaque question concernant les gens qu’ils avaient pu connaître dans leurs vies passées.
“ Concentrez-vous maintenant sur le fœtus ? Vous sentez-vous dans le fœtus ? Vous sentez-vous au contraire hors du fœtus ? Dedans et dehors ? ” Cette question, l’une des plus intéressantes de ces séances, devait être clairement posée. Je savais qu’après mes premiers travaux sur l’expérience de la naissance sous hypnose, que beaucoup de sujets se sentaient à la fois à l’intérieur et à l’extérieur du fœtus. Mais je ne voulais pas qu’on m’accuse de prendre le contre-pied de l’idée communément acquise selon laquelle la vie commence à la conception.
“ Ressentez-vous les émotions de votre mère avant votre naissance ? J’avais ajouté cette question car j’étais curieuse d’en apprendre davantage sur la relation entre la personnalité du fœtus et celle de la mère.
“ Vous descendez maintenant dans les voies génitales. Que ressentez-vous ? ” Je trouvais qu’il était important de ne pas suggérer l’idée de douleur, car je savais qu’à ce stade de l’expérience, les sujets peuvent, facilement ressentir la douleur de la naissance. Il était donc essentiel de l’effacer de leur mémoire en les assurant qu’ils ne ressentiraient rien. Certains de mes sujets s’étaient réveillés avec de sérieuses douleurs musculaires, des migraines et autres sortes de traumatismes.
“ Maintenant, vous êtes sorti des voies génitales. Vous êtes né. Que ressentez-vous ? J’utilisais à dessein le mot “ressentir ” car je ne souhaitais pas qu’ils me parlent de lumière ou de froid.
“ Etes-vous conscient des attitudes et des sentiments des personnes présentes ? ” Je voulais savoir si mes sujets avaient déjà une conscience de nouveau-né ou encore celle du fœtus percevant ce qui se passait dans la salle d’opération et de tout ce qui s’y passait lorsqu’ils étaient sous anesthésie ; je me demandais si cela ne pouvait s’appliquer aussi au nouveau-né.
“ Maintenant, vous quittez cet endroit. Vous flottez hors de la salle de travail. Vous flottez à nouveau dans l’espace et vous retrouvez votre nuage. Vous vous y étendez, vous vous étirez, et toute sensation de malaise vous quitte. Vous flottez sur votre nuage et tandis que je compte, votre système revient à la normale. Vous n’aurez aucun malaise physique ou émotionnel à la suite de ce voyage dans le passé. Vous flottez hors de cet endroit où vous êtes né. Votre corps se détend et tous vos organes reprennent leur fonction normale. ” Pour moi, il était très important de prononcer ces paroles. Malgré cela, beaucoup de mes sujets se réveillaient avec un profond sentiment de tristesse et parfois des douleurs à la tête. Pour une raison qui m’échappe, il est beaucoup plus pénible et douloureux à certains de revivre la naissance que de revivre une vie passée.
“ Vous flottez maintenant sur votre nuage, et je vais vous entraîner plus loin encore. Je vais compter et vous allez être de plus en plus serein et calme. Votre esprit vagabonde en toute liberté, vous êtes entouré d’harmonie et de paix. Un de plus en plus profondément… Deux, de plus en plus détendu… Trois… Quatre… Cinq… vous flottez sur votre nuage et vous êtes dans une belle lumière blanche, très pure et très intense. Elle est de plus en plus brillante. Il y a un bouton de rose sur votre plexus solaire. Les rayons d’énergie qu’envoie cette lumière blanche font s’épanouir doucement les pétales de la rose jusqu’à ce qu’on en voie le cœur. Les rayons d’énergie de la lumière pénètre le cœur de la rose, et, à travers elle, pénètrent votre plexus. Ces rayons vont effacer tous les effets négatifs qui peuvent subsister
des suites de ce voyage. Ils apportent lumière, paix et sérénité à votre corps et à votre esprit. ” Cette image m’était venue quelques années auparavant, au cours d’une séance où je mettais des sujets sous hypnose. je ne me suis rendu compte que plus tard que j’avais repris une version d’un mantra tibétain, ” Om mani padmi hum ” qui signifiait : “ Que s’ouvrent les pétales du Lotus. ” D’après le yoga Kundalini, le plexus solaire, ou centre d’énergie, contrôle les émotions. Donc, en faisant “ passer ” la lumière à travers la rose puis dans le plexus solaire, l’énergie de l’univers devait effacer toute discordance dans leurs émotions. Je ne suis pas particulièrement adepte du yoga Kundalini ou de tout autre système indien, mais cette image semblait apaiser mes sujets.
“ Vous allez maintenant revenir aux temps et lieu présents. En vous réveillants, les réponses à mes questions vous resteront en mémoire . Elles y resteront pendant des mois, et vous pourrez vous en souvenir à votre gré. Quand je vous donnerai la feuille de compte rendu, elles vous viendront à l’esprit et vous pourrez les rédiger sans difficulté.
“ Maintenant, imaginez-vous sous la forme d’une boule d’énergie dorée qui brille loin dans l’espace, pénétrer l’enveloppe de l’atmosphère, descendre sur l’hémisphère occidental, descendre d ans cette pièce, entrer dans votre boîte crânienne. L’énergie pénètre dans votre tête et vous êtes envahi de bien-être, toute votre énergie physique vous revient. Vous vous réveillez de très bonne humeur et vous vous sentez bien. Un, la boule d’énergie pénètre maintenant dans votre tête et dans votre visage. Deux, elle descend dans les muscles de vos mâchoires et votre cou. Trois, elle descend dans vos épaules. Quatre, elle descend dans vos coudes, vos poignets, vos mains et vos doigts. Cinq, de vos épaules l’énergie descend à votre torse et à votre taille. Six, elle descend dans vos hanches. Sept, elle descend dans vos cuisses et vos genoux. Huit, elle descend dans vos jambes, vos chevilles, vos pieds et vos orteils. Neuf, votre corps vibre d’énergie et vous êtes prêt à vous réveiller, vous vous sentez dispos. Dix, vous ouvrez les yeux… vous êtes réveillé. ”
Je savais qu’il fallait du temps avant que mes sujets ne commencent à bouger après leur troisième séance d’hypnose. Ils étaient tellement détendus qu’ils ne remuaient pas et me souriaient. Quelles allaient être leurs réactions ? Parmi tous les moments de ces séances, je préférais celui de leurs récits, lorsqu’ils se réveillent. C’était ma dernière séance avant la rédaction du compte rendu. J’étais venue dans le Midwest pour savoir si les gens d’ici allaient me donner des réponses différentes de celle des gens de Californie. Je n’avais aucun moyen de vérifier ou de prouver l’exactitude de leurs réponses. Je faisais une sorte de sondage sous hypnose. Mais je me disais que si celles-ci variaient selon les croyances culturelles, je devais prendre des sujets de différentes contrées. Et si ces réponses n’étaient pas semblables, cela prouverait qu’elles avaient une base culturelle plutôt qu’inconsciente.